Mercredi 10 Décembre 1913
Avez-vous remarqué comment la façon de dire ou d’écrire les choses peut en trans former la perception ? Ainsi, si vous lisez « Un voleur de couvertures est condamné à un mois de prison », l’information présente peu d’intérêt. Le Mercredi 10 Décembre 1913, le compte rendu du tribunal correctionnel d’Oloron du « Mémorial des Pyrénées » propage l’information différemment, et autant l’avouer, c’est nettement plus agréable à lire. Jugez plutôt : « Le sieur D… de Géronce craint beaucoup le froid, aussi dernièrement il a volé à un de ses voisins 2 couvertures de laine. Le tribunal, compatissant, l’hospitalise pendant un mois à Sainte Croix où il pourra se chauffer tout à son aise. » Certes, il faut comprendre dans la dernière phrase que ce brave D…. est condamné à un mois de prison à Oloron, mais c’est plus feutré.
Ne nous faites pas dire que la période est alors plus douce ou apaisée que la notre, et le tribunal voit passer régulièrement à la barre des habitants de Géronce. Tous ces faits sont consultables sur les journaux de l’époque accessibles sur les sites « Gallica » et « Retronews ».
Ce sont parfois des vols qui sont à l’origine des condamnations. . Le 22 juin 1914, un vol de fagots de bois est sanctionné de 3 mois de prison : « Par cette humidité si persistante et ce refroidissement de la température, les personnes frileuses ont allumé leur feu. C’est ce que fit Mme D. .. ménagère à Géronce; mais n ayant pas de bois, elle est allée chez son voisin... »
Le 17 Février 1900, le « Glaneur d’Oloron » nous relate l’histoire un peu plus compliquée de billets perdus, puis trouvés par un « pec », qui, trompé par son beau-père finira par le dénoncer.
Le 24 02 1911 ; nous n’en sommes pas encore au tribunal, mais on apprend en dernière minute « ...qu'un vol important aurait été commis hier sur le territoire de la commune de Géronce. Rien n’aurait été épargné : argent, linge, provisions, etc.,etc. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette affaire. » Voilà qui donnerait envie de connaître la suite. Si nous la connaissions.
Plus loin dans le temps, en Juillet 1864, le Tribunal Correctionnel d’Oloron rend quelques sévères jugements pour une douzaine d’individus de la région coupables de crime aujourd’hui disparu: « arrêtés sous la prévention d'avoir procuré à un certain nombre de jeunes gens du département des Basses-Pyrénées le moyen de simuler des infirmités de nature à les faire exempter du service militaire, ont été condamnés, savoir:... ». Suit une douzaine de noms avec des condamnations allant de 2 à 10 mois de prison.
Mais ce qui revient le plus souvent, ce sont les violences. Le 22 Mai 1894 le sieur B. de Géronce est condamné à 15 jours de prison et 100 francs d’amende pour coups et blessures.
En Janvier 1900, la description imagée d’une bagarre entre Saint-Goin et Géronce ne laisse aucun doute sur la violence des rencontres : « Coups et blessures. — C et O J. qui, dans la soirée du 8 décembre dernier, ont fait arroser de sang par A. la route de Saint-Goin à Géronce, devront, à leur tour arroser : C. de 3 mois, et O. de deux autres."
Même cas. — Pour la boutonnière par lui pratiquée dans le derme d’O J.,c'est de 25 francs — s’il ne reste tranquille jusqu’à 1905 — que devra se déboutonner J- J, de Saint-Goin. »
A l’occasion de fêtes de Géronce, édition 1901, une bagarre générale éclate qui trouvera son dénouement devant le tribunal au mois de Septembre. A lire l’article, on comprend que ces rixes devaient être fréquentes. Il se trouvera par la suite un juge de paix pour exprimer à l’issue d’une énième comparution son exaspération à l’encontre des habitants de la vallée, au point de menacer les futurs poursuivis de mesures particulièrement sévères.
Et pour conclure cet inventaire partiel, nous espérons que vous prendrez plaisir à lire ce compte rendu d’une audience peut-être ordinaire :
« Audience du vendredi 11 mai, 1900. — Présidence de M. Gérin, président. Coups et blessures.
A un Romain, qui est pourtant bien Français... et de Géronce encore¹ ! sont reprochés des sévices sur la personne de son cousin Didier. Or, bien limitée est la responsabilité du prévenu puisqu’il fut jadis exempté du port de l’as de carreau² un peu pour cause de faiblesse mentale.
Mais impitoyable est Thémis, et comme c’est à la main qu’avec son canif il a frappé la victime, les juges, à leur tour, croient devoir taper sur les doigts du dit Romain, qui s'entend condamner à 8 jours bérengérisés³ et 16 francs d’amende. »
¹ Nous ne voudrions pas passer pour des grincheux, mais ce « encore ! » est de trop si l’on en croit le sentiment de nombreux Géronçaises et Géronçais.
² L’as de carreau est le surnom du havresac modèle 1893 (si : j’ai vérifié) que portaient encore les soldats entre 1914 et 1918. Cette métaphore signifie donc qu’il a été exempté du service militaire.
³ En référence à St Bérenger, période de calme ou de retrait, rappelant la vie monastique même si en l’occurrence la cellule sera plus carcérale que monacale.
Enfin, rappelons à tous les fâcheux qui sous entendraient que les Géronçais sont apparemment peu fréquentables, que notre côté belliqueux nous oblige à signaler que nous nous faisons forts de prouver, quelque soit leur commune d’origine (nous parlons des fâcheux), que leur histoire est très semblable.