



Samedi 16 Décembre 1893
En page 3 du « Glaneur d’Oloron » du Samedi 16 Décembre 1893, le Maire de Géronce informe que du 20 au 28 Décembre 1893 le plan et l’état parcellaire de terrains nécessaires à la rectification d’un chemin vicinal pour permettre la construction d’un pont sur le Joos seront déposés à la mairie de Géronce. Si vous voulez notre avis, cela sent la procédure d’expropriation. C’est l’aboutissement d’une démarche entamée depuis cinq ans et dont nous allons reprendre quelques étapes.
La traversée du Joos a toujours posé un problème que ce soit au niveau de l’église, du Vialé ou de Dous. En Février 1887 déjà, c’est le pont du Prat qui menace ruine et nécessite des travaux en urgence faute de quoi, il pourrait « causer quelque malheur ou s’écrouler », alors que des travaux ont déjà été réalisés 15 ans plus tôt. Il faudra procéder à la vente de chênes pour faire face à la dépense. Au mois de Mai 1889, le Conseil Municipal est confronté à une situation identique. Pour traverser le Joos vers le quartier Dous, il existe un pont, ou plus précisément une passerelle en bois qui permet le seul passage des piétons. Le bétail et les charrettes doivent emprunter un gué. Or, d’après les membres du conseil, des crues « assez fréquentes » empêchent régulièrement de passer et ce n’est qu’avec la baisse du niveau de l’eau que la situation redevient normale. Il faut intervenir et régler ce problème de circulation. Une coupe exceptionnelle va permettre de dégager un budget de 2191 francs pour réaliser les travaux. L’étude est donc lancée par l’agent voyer, fonctionnaire chargé de la construction, de l'entretien et de la gestion des voies publiques. Le 16 Juin 1892, le projet chiffré revient sur la table du Conseil. Il faut rectifier l’accès au pont, construire un pont de pierre pour la somme de 13 200 francs. Le projet est lancé et un arrêté du Préfet le 16 Juillet suivant nomme Pierre Sahores, Maire d’Orin « commissaire enquêteur » chargé de mener une enquête d’utilité publique « commodo et incommodo » pour étudier les avantages et les inconvénients de cette « construction d’un pont sur le ruisseau Joos au quartier Dous et la rectification des chemins n° 3 et 6 y aboutissant dits Chemin Carrère Orbe, Chemin du Bois sur une longueur de 222 mètres 10 cm ». Le dossier est déposé depuis 15 jours à la mairie de Géronce où tout un chacun peut aller le consulter. Monsieur Sahores se tiendra les six, sept et huit août à la mairie de Géronce où toute personne concernée pourra faire connaître son avis.
C’est d’abord une habitante d’Orin,Marguerite Laborde épouse Bourg Bernard, qui se présente. Elle admet tout à fait l’utilité de la construction du pont, mais allègue (sic) qu’il n’est pas indispensable de modifier le chemin n°3 qui suffit et suffira encore. Est-il nécessaire de préciser qu’elle est propriétaire des terrains affectés par cette rectification ? Et elle est pour le moins motivée, déclarant qu’elle ne permet pas que l’on touche à ses terrains qu’elle ne veut ni céder ni vendre ! Voilà qui augure bien de la suite. Le 08 août, Victor Dufau se présente. Il veut faire une déclaration exclusivement sur la rectification du chemin n° 3. Il regrette qu’à chaque montée des eaux, le passage à côté du pont (le gué), reste obstrué par les eaux qui fouettent le mur de clôture du terrain de Mme Bourg rendant impossible la communication entre le quartier Dous et le bourg. Aussi la rectification proposée s’impose depuis longtemps. Ce sont ensuite quatre cultivateurs de Dous qui se présentent ensemble et font la même déclaration. Ils font en outre remarquer que la rectification embellira le quartier et « régularisera la forme du champ à Laborde Marguerite, ce dont elle ne saurait se plaindre ».
Le commissaire va établir un rapport ou il note qu’il n’y a pas d’opposition à la construction du pont et que si personne ne s’est manifesté en faveur de sa contruction, « ici le silence parle et signifie que les habitants s’en rapportent entièrement aux décisions du Conseil Municipal qui les représente ». Quant au refus de la rectification de Madame Bourg, il l’estime non fondé et le commente ainsi : « La protestation de Dame Laborde contenait peut-être avec de l’égoïsme une légère teinte de caprice ».
En Janvier 1893, le Conseil Municipal reprenant les conclusions de l’enquête d’utilité publique et confronté au refus de vente de Madame Bourg décide de provoquer la vente par expropriation. Au mois de Juillet suivant, l’agent voyer présente le projet définitif. Le coût est maintenant de 15 000 francs. Au mois de Décembre et après la parution de l’avis dans le « Glaneur d’Oloron », constatant que Madame Bourg ne répond toujours pas à ses demandes, la commune décide de poursuivre la procédure d’expropriation. Il faut attendre le mois de Mai 1894 pour qu’enfin un accord amiable intervienne et que l’acte d’achat soit signé pour un montant de 755 francs incluant la remise en état de la nouvelle clôture.
Un dernier rebondissement intervient le 16 Septembre 1894 avec une question concernant la conception du pont lui-même. Faut-il inclure des trottoirs sur le pont ? En effet, sur le plan figure de chaque côté un trottoir de 0,60 mètre qui ramène la largeur de la voie libre à 2,50 mètres. On peut craindre que si un troupeau de cochons est amené à croiser un char, ils ne sauront pas monter sur le trottoir et se jetteront sous les roues dudit char. On décidera donc, tout comme sur le pont du Vialé de supprimer les trottoirs. Admettez que voilà un pont qui a du susciter bien des soupirs…..
On vous avait prévenu, on était embarqués pour une longue histoire. Il faut bien dire que la vie d’une commune n’est pas forcément un long fleuve tranquille.