Samedi 9 Décembre 1905
Comme tous les jours, et pour peu que le tramway ait bien livré le courrier, rien ne vaut la lecture de la presse pour avoir des informations du pays.On trouve dans « Le Glaneur d’Oloron », « L’Indépendant des Basses-Pyrénées », « Le Patriote des Pyrénées » ou encore « Le Mémorial des Pyrénées » toutes les informations indispensables. C’est d’ailleurs dans l’édition du 09 12 1905 de ce dernier que nous apprenons que Monsieur Larrouté, à Géronce est tombé du haut de la grange et s’est fait de graves blessures à la tête. C’est d’autant plus dramatique qu’il a trente-trois ans et six enfants en bas âge. En revanche, nous ne saurons ni si il est marié ni si son éventuelle épouse se trouve désormais dans une situation difficile. Il se pourrait que la condition féminine ne soit que très partiellement un sujet d’intérêt….
Mais en parcourant les différents journaux de l’époque, on constate que le nombre considérable d’accidents, qu’il s’agisse d’accidents du travail, de transport ou domestiques, les banalise au point qu’ils soient considérés comme faisant partie du quotidien. La liste qui suit, et qui concerne uniquement Géronce, n’est pas exhaustive, elle reprend quelques articles qui prennent en général peu de place dans les colonnes des journaux.
En Avril 1897, un homme de 80 ans tombe de sa charrette et se tue. En Juillet 1903, un « riche propriétaire » charge du foin dans son grenier. Trompé par le fourrage, il ne voit pas la trappe et chute. Conclusion laconique de l’article : la mort a été instantanée. En Octobre de la même année, c’est une femme qui, montée en haut d’un char, tombe. On nous indique simplement que son état a nécessité qu’on la transporte chez elle. Le même jour, c’est un jeune homme qui chute dans des conditions identiques et se « brise la cuisse ».
Toujours victime d’un accident du travail, en Octobre 1902, un « propriétaire », occupé à la carrière municipale à extraire du gravier est victime d’un éboulement. Ses collègues accourent le secourir. Son état est « grave mais pas désespéré ». Ouf ! En Avril 1910, c’est un charpentier qui tombe du deuxième étage d’une maison en travaux : la planche de l’échafaudage sur laquelle il marchait a cédé. Ramené chez son fils, il y décède en suivant. Dernière phrase de l’article : « le malheureux avait 70 ans ».
Pour les transports, ce n’est pas forcément mieux. Au mois de 03 1893, c’est un habitant de Saint-Goin qui, rentrant d’Oloron percute avec sa voiture une charrette lourdement chargée. Blessé par la violence du choc, il est ramené chez lui où il décède dans la nuit. L’auteur du compte rendu fait preuve d’un peu de commisération en précisant : « ...n’était âgé que de 30 ans. Il laisse une jeune femme et deux enfants ».
Pourquoi ne pas essayer les transports en commun, la ligne de tramway Oloron-Sauveterre est opérationnelle à la fin de l’année 1901. Entre Février et Avril 1902, on recense au mois trois déraillements. Ils ne font certes pas de victimes, mais dans un cas le retard est de 3 heures, dans l’autre, il s’agit d’un acte de malveillance qui contraint les passagers à parcourir à pied les 5 kilomètres qui les séparent d’Oloron…. La cause du troisième est pour le moins originale : les danseurs du récent Carnaval ont tellement remué qu’ils ont amassé un tas considérable de gravier entre les rails et provoqué ainsi le déraillement !
En Juin 1901, un domestique allant remplir une cruche au puits chute à l’intérieur. Heureusement le niveau d’eau est élevé et il en est quitte pour une grosse frayeur.
Un petit dernier pour la route dont on ne sait si il vaut mieux en sourire ou le condamner. La première partie de l’article est dramatique : un ouvrier charpentier tombe en allant puiser de l’eau dans un puits de 18 mètres et se « fracasse la tête ». La fin de l’article est assez troublante : l’accident aurait été évité si le puits avait été équipé du « Système L. Jonet et Cie », appareil élévateur d’eau. Cet article, on le retrouve en 1905 mot pour mot présent dans plus de 40 journaux de Rouen à Marvejols, de Nantes à Toulon, de Saint Denis à Tlemcen (en Afrique du Nord), mais toujours avec le même nom de victime et situé à Géronce.
Le dernier accident a-t-il vraiment eu lieu ou sert-il uniquement d’alibi à de la « réclame » ? A vous de vous faire une opinion. En revanche la longue liste de ce qui précède nous interroge sur le fait de savoir si, vraiment, c’était mieux avant. Là encore, vous nous permettrez de ne pas prendre parti, histoire de ne fâcher personne.