Dimanche 20 Décembre 1931
Comme toute collectivité normalement constituée, votre commune se fait un devoir de présenter un budget équilibré. Et comme collectivité normalement constituée, elle se doit d’adapter ses recettes aux dépenses à engager. Il suffit de regarder ou mieux encore d’admirer avec quel soin le compte administratif est reporté chaque année dans le registre des délibérations pour comprendre combien les élus ont à cœur de rendre compte de leur gestion. Dans le déroulé des délibérations, on constate que les conditions de prélèvement des recettes étaient laissées à l’appréciation des municipalité. C’est ainsi que le Dimanche 20 Décembre 1931, le conseil doit statuer sur l’application, facultative, de la loi concernant la taxe sur les chiens. La première partie de la délibération doit déterminer le nombre de catégories de chiens : luxe, chasse, troupeau. Au crayon et en marge, on lit la recommandation d’avant décision : limiter à deux catégories seulement et maintenir les tarifs déjà fixés. Suit ensuite un plaidoyer très argumenté pour la chasse. Avant de le lire, et si vous êtes opposés à la chasse, remettez vous dans le contexte. Les lignes qui suivent ont été écrites il y a près de cent ans, ne laissez pas la colère vous envahir.
« …. la chasse dans les villages est un sport heureux pour celui qui n‘est pas occupé, une distraction saine et à conseiller pour l’employé, le paysan, le chef d’atelier et aussi pour l’ouvrier, le dimanche – les distractions sont si rares dans campagnes – une nécessité pour le chômeur et pour tous l’occasion d’améliorer l’ordinaire qu’enfin elle est loin d’être un luxe . »
Et comme de plus, ces chiens de chasse remplissent en même temps une fonction de chien de garde, qu’ils ne sont pas en général de race pure, toutes les raisons sont réunies pour se contenter de deux catégories : les chiens de luxe et les autres. On sent bien dans la suite de la décision une certaine anticipation aux protestations à venir de la part des propriétaires de chiens, et qu’il vaut mieux simplifier au maximum les critères de catégories. En conclusion, les premiers seront taxés 10 francs, les seconds 2 francs. En 1859, la recette de la taxe sur les chiens sera de 9 francs, plus 2 francs d’arriérés au titre de 1858, de quoi payer l’entretien du mobilier de l’école.
En 1860, le conseil municipal évoque la possibilité de prélever une taxe sur l’extraction de la marne, utilisée comme engrais. Cette nouvelle recette permettrait de faire face aux dépenses générées par l’école spéciale des filles et le paiement du commissaire cantonal. La taxe pourrait être de 60 centimes par mètre cube prélevés en quantité considérable par un grand nombre de forains pour amender leurs terres, les habitants de Géronce en étant exonérés. En 1895, la taxe sera portée à 30 centimes par char pour les personnes étrangères à la commune.
Dans les recettes aujourd’hui disparues, on notera que la « vente des crottes et fumiers » rapportera 85 francs (un mois de salaire pour un ouvrier) en 1859, soit un peu moins que la somme allouée au traitement et frais de bureau du commissaire de police cantonal (n’y voyez aucune allusion, juste un élément de comparaison). Nous aurons peut-être un jour l’occasion de revenir en détail sur les ventes de crottes et fumiers.
Ajoutons qu’au titre des impôts locaux, chaque foyer se devait d’y participer sous forme de prestations. En début d’année, une commission fixait la valeur d’une journée de travail, le prix de la mise à disposition d’un attelage et déterminait en fonction de la composition et des revenus du foyer, de l’équipement de l’exploitation, un nombre d’heures à donner à la commune sous forme d’un travail à effectuer pour l’entretien des routes et chemins. L’agent voyer répartissait la tâche que chacun devait accomplir puis vérifiait scrupuleusement la façon dont elle avait été effectuée.
Bien entendu, face à toutes ces sources d’imposition, des recours étaient engagés, directement auprès de la mairie, et tout un chacun avait la possibilité de demander un dégrèvement total ou partiel, en venant argumenter sa demande : pas de bête cette année là pour la taxe de pacage, plus de chien, un fils parti en Amérique (et donc un membre actif de moins pour le calcul de la base imposable).
D’après une source généralement bien informée (un écran d’ordinateur), l’impôt sur les chiens a nationalement disparu en 1971, même si certaines communes comme Nice continuent à l’appliquer. Peut-être bien qu’il y a là bas plus de chiens de luxe que de chiens de chasse.