Samedi 23 Décembre 1911
Si vous avez l’habitude désormais d’ouvrir les pages de ce calendrier, vous avez déjà lu le nom de Pierre Lasserre. C’était le premier Décembre et nous avions alors évoqué le prix qui porte son nom et destiné aux jeunes filles de la commune de Géronce. C’est ainsi que pendant plusieurs dizaines d’années la mairie reçut des candidatures et que, généralement au mois de Décembre, une commission composée de membres du conseil municipal complétée par le prêtre de la paroisse, se réunissait pour désigner la ou les gagnantes. Le Samedi 23 Décembre 1911, la première tâche de la commission est de statuer sur la recevabilité des candidatures. Cette année une des candidates ne satisfait pas aux conditions de l’article 8 du règlement qui stipule que la jeune fille doit être d’âge nubile, être née à Géronce, y habiter ainsi que ses parents qui doivent également avoir vécu en permanence dans la commune depuis la naissance du candidat jusqu’à la date de la candidature. ILa gagnante, puisqu’il en faut une, emportera un prix de six cents francs (c’est à l’époque le salaire annuel d’un ouvrier agricole). Ses trois dauphines se partageront le second prix, recevant chacune quatre vingts francs.
Ce règlement sur lequel s’appuie la commission a été mis en place dès la première édition en 1894. Dans le registre alors ouvert, il reste encore une partie du brouillon qui a servi à rédiger la mouture définitive. En voyant le nombre de ratures, reprises, annotations, on comprend facilement qu’il a été mûrement réfléchi pour répondre au mieux aux attentes qu’avait exprimé Pierre Lasserre dans son testament. Sans détailler la totalité des articles, reprenons quelques uns des points principaux. Le prix annuel est institué à perpétuité. Les gagnantes percevront le produit de la rente des 20 000 francs provenant du legs de Monsieur Lasserre. L’élue sera obligatoirement une jeune fille pauvre du village qui se mariera dans le courant de l’année et se signalera par une vie irréprochable. Les jeunes filles qui souhaitent être candidates doivent envoyer avant leur mariage une demande motivée entre le premier Janvier et le quinze décembre. Les décisions seront prises sans discussion publique, au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages. Le prix sera remis sous forme d’un mandat au moment où les époux viendront contracter leur mariage à la mairie.
A l’occasion de l’élection de 1900, une candidate proteste contre la décision de la commission qui se réunit pour l’occasion et estime, après discussion et un vote à bulletin secret, que toutes les règles ayant été respectées, il n’y a pas lieu de répondre à la pétition, pourtant soumise par le sous-préfet.
En 1901, la commission décide procéder à un aménagement du règlement. Tout d’abord, puisque la candidate doit être mariée dans l’année, la date limite du mariage civil est fixée au 20 Décembre. Par ailleurs, les père, frère, beaux-frère, époux de l’une des candidates ainsi que les père, frère, beaux-frère de l’époux d’une candidate ne pourront prendre part au vote. En 1904 un dernier changement instituera le report sur les années suivantes des prix non distribués.
Le prix Lasserre a été distribué à 56 reprises depuis 1894, et d’après notre décompte 108 jeunes filles méritantes figurent au palmarès. Il fut interrompu trois ans durant la première guerre mondiale. Il n’y eut pas d’édition en 1923, 1929 1935 et 1945, puis entre 1954 et 1959. A cette date, l’inflation, les dévaluations avaient réduit le capital initial à 6830 anciens francs comme on disait au début des années 60. Pour les plus jeunes, cela représente 10,41 euros. C’est la raison pour laquelle ce prix initialement perpétuel a été décerné pour la dernière fois en 1959 avant de s’éteindre définitivement. Sauf dans nos mémoires.
Une des dernières gagnantes nous a confié qu’avec son prix elle avait pu à l’époque acheter une chaîne neuve pour son vélo.